S’il est très agréable d’avoir un échappement adaptable sur sa moto aussi bien en terme de design, de son que de performances, le travail que demande le développement d’un silencieux est considérable. Aucune machine n’est conçue pour développer les échappements de façon automatique. Tout est fait à la main et de nombreux essais sont nécessaires aux fabricants tel que Devil pour parvenir à améliorer les performances de nos motos. Si ce travail demande autant de temps, c’est parce que la conception est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Pour cela, Mathieu du centre de recherche de Devil nous en dit plus.
Pour commencer, l’échappement doit être conçu de manière à ce que les gaz s’échappent facilement et rapidement. Plus ils sortent vite et plus l’échappement est performant. Sur d’autres motos, il faudra retenir les gaz afin d’avoir plus de pression et ainsi gagner du couple à bas régime et de la puissance à haut régime. Le travail des techniciens est donc d’adapter le silencieux à l’utilisation qui est faite de la moto en s’aidant d’un banc de puissance. Ainsi, il sera possible de gagner environ 5% de puissance en adaptant un silencieux seul. Avec une ligne complète, le gain peut atteindre 10 à 15%.
La constitution
Pour ce faire, un pot d’échappement est composé de 5 éléments principaux :
La sortie du pot
Le tube intérieur perforé
L’entrée avec son manchon de raccordement
Le corps du silencieux
La laine de roche
Chacune de ses parties a son importance dans la performance globale de l’échappement. Elles sont assemblées ensemble à l’aide de rivets, de joint etc. En tout, un silencieux est composé d’une vingtaine d’éléments.
Le tube perforé
Il se trouve à l’intérieur du silencieux. C’est à travers lui que les gaz vont circuler. S'il est perforé, c’est pour absorber une partie du bruit. Mais sa longueur influe énormément sur la puissance. Plus le silencieux est petit plus le gain est important à haut régime. Par contre on perd du couple à bas régime. Et inversement, plus il est long et plus le couple à bas régime est favorisé. Même le diamètre du perforé influe sur la performance tout comme la taille des trous. "C’est donc à nous de trouver le juste milieu pour avoir ce que l’on recherche pour le type de moto. Par contre, le matériau que l’on va utiliser n’influe pas sur la performance. Cela agit uniquement sur le poids. Le titane sera utilisé en compétition alors que pour un silencieux de route, on pourra mettre de l’inox sans que cela perturbe la performance finale. Le silencieux sera juste un peu plus lourd."explique Mathieu.
Le manchon
C’est la pièce qui assure le raccordement entre la ligne d’origine et le silencieux adaptable. Là aussi, le travail sur le manchon est important car il peut apporter un net gain de puissance. En fonction de sa longueur, de son diamètre mais aussi de sa forme. Une expansion ou une rétreinte sur le manchon peut faire varier le résultat.
La laine de roche
La laine de roche sert à absorber le bruit et la chaleur. Chez Devil, une nouvelle génération de laine de roche est actuellement utilisée. Il s’agit d’une laine enrichie en céramique qui offre 40% de résistance thermique en plus et une meilleure absorption du bruit. Ainsi, la la durée de vie de ce manchon de laine sera prolongée car la laine de roche brûlera moins vite
Le corps du silencieux
C’est la partie la plus visible puisque c’est lui qui enferme les pièces précédentes. Comme pour le tube perforé, son matériau n’apporte rien en terme de performance. La seule chose qui compte, c’est le poids du corps ainsi que sa capacité à absorber la chaleur et le bruit. Ainsi, on peut choisir d’avoir un corps carbone, titane, inox ou inox grenaillé. C’est grâce au corps que le volume du silencieux sera déterminé. Celui-ci influe sur le bruit qui sortira de votre échappement. "Le silencieux à gros volume chez Devil, c’est le Rocket. Il est principalement utilisé sur les grosses motos ou encore sur le dernier ZX-10R mais en terme de performances, il n’apporte rien de plus que Master qui est utilisé sur les autres motos. " indique DEVIL.
La sortie du pot
Celle-ci va jouer un rôle important dans le design du silencieux. On pourra trouver des flasques inox avec des formes rondes, ovales, triangles … Sur les derniers modèles, on trouve même des flasques composites qui permettent d’obtenir des formes encore plus originales.
Le développement
Tout le jeu des ingénieurs est donc de trouver un parfait compromis entre tous ces éléments afin de proposer le silencieux le plus performant possible. Mais ce travail ne peut pas se faire à l’aide d’un ordinateur car il y a trop de paramètres qui entrent en jeu : le type de moteur (bicylindre, 3 cylindres ou 4 pattes), sa conception : en V ou en ligne etc… Le développement d’un échappement se fait à la main. "On choisit des longueurs et des diamètres de tubes en fonction de ce que la moto possède d’origine et nous analysons les résultats obtenus . En fonction de ça, on apporte différentes modifications puis on repasse au banc et on voit ce qui marche le mieux et ainsi de suite "précise DEVIL.
Si le travail pour un silencieux est important, il l’est encore plus lorsqu’il s’agit de concevoir une ligne complète. Dans ce cas, les hommes du centre de recherche vont essayer différentes configurations. Et puis les tubes pourront subir des réductions ou des agrandissements de diamètre afin d’accélérer les gaz ou au contraire pour les ralentir et ainsi gagner à bas régime. Une autre solution consiste à les retenir à un endroit pour ensuite les ré accélérer. "Par exemple, pour la 1000 GSX-R du SERT, nous avons réduit le diamètre à un endroit. Cette manœuvre nous a permis de gagner 5 à 6 ch. Le fait d’avoir accéléré les gaz à cet endroit précis nous a permis ce gain important. Mais si on avait réalisé cette réduction 5 cm plus loin ou plus près, et bien nous n’aurions pas cette amélioration."
Mais pour ce rendre compte de ce genre de chose, il faut faire une multitude d’essais et de passages au banc. Et ce qui marche pour cette moto, ne fonctionnera pas du tout pour une autre. Il faudra donc reprendre le travail de 0. "Des fois, on trouve très vite la solution et d’autres fois, on galère un peu. Par exemple, sur la moto de Boris Chambon en supermotard, on a travaillé 2 semaines pour obtenir un très bon résultat. Par contre, sur celle de Stéphane Blot, en 1 journée, le travail était fini. Il est repartie avec sa moto et sa ligne optimisée "
Les silencieux de 1ère monte
On pourrait donc se poser une question : qu’est ce qui explique un gain aussi important tant en performances qu’en poids ? La réponse se trouve chez les fabricants d’équipement de première monte. Les échappements d’origine doivent répondre à des normes de bruit et de pollution. Ainsi, ces échappements s’alourdissent régulièrement. Et puis la conception de ses échappements est également différent. Les gaz passent à travers des chambres afin de les ralentir. Il y a plein de cloisons qui alourdissement l’ensemble. Les silencieux adaptables sont beaucoup plus simples de conception. Les gaz sortent directement et les matériaux utilisés sont plus légers également.
"Mais ça change depuis quelques temps. Par exemple, le travail pour la 1000 CBR a demandé 1 gros mois. Chez Honda, ils ont conçus un échappement léger, très compliqué à l’intérieur mais qui offre des performances étonnantes. Dans ce genre de cas, on a réussi à obtenir la même chose et on est très content. Même si on mettait un échappement libre, on perdrait de la performance par rapport à l’origine. Donc il vaut des fois mieux laisser le réducteur pour être bien en performance et faire un peu moins de bruit. "
Le réducteur de bruit
Pour être homologué, un silencieux adaptable ne doit pas dépasser la valeur de bruit notée sur la carte grise. Pour ce faire, les ingénieurs de chez Devil équipe tous leurs produits d’un réducteur de bruit amovible. La plupart des gens supprime ce réducteur en pensant qu’ils gagneront en performance ce qui n’est pas toujours le cas bien au contraire. " Lorsque l’on travaille sur l’échappement ou sur une ligne complète, on ajuste notre travail en tenant compte du fait que les gaz vont être freinés à l’arrière. Ainsi on a des clients qui suppriment le réducteur de bruit et on est obligé de leur montrer les courbes de puissance pour leur expliquer qu’ils perdent en performance tout en faisant plus de bruit."
Chose plus surprenante encore, il arrive sur certaine moto que plus le réducteur est petit et plus la moto fait de bruit et inversement. "Il arrive assez souvent que lors de nos essais en dynamique, nous ayons ce type de surprise "
Les produits compétitions
La seule différence entre un produit grand public et un produit compétition réside dans les matériaux utilisés. Comme nous l’avons vu précédemment, le matériau n’apporte rien en terme de performance. Seul le poids va changer entre un produit inox et un produit titane. Ainsi, les produits compétitions sont 100 % titane. Ainsi, le perforé, les tubes, les flasques ou encore les crochets sont fabriqués dans ce matériaux ultra léger.
Le problème des valves à l’échappement
De nombreuses hypersportives possèdent des valves à l’échappement. Il s’agit d’une valve placée sur la ligne d’échappement qui s’ouvre et se ferme en fonction de la rotation de la poignée de gaz. Cette valve est mise en place pour l’homologation bruit. A bas régime, la valve est fermée pour limiter le bruit et dès que l’on ouvre les gaz, la valve s’ouvre. Pour Mathieu, la présence de cette valve n’apporte que très peu en terme de performance au contraire de ce que disent beaucoup de gens. "Certains disent que la valve améliore les bas régimes mais j’ai fait de nombreux tests au banc avec la valve, sans, à moitié ouverte et je n’ai rien constaté de flagrant " Ainsi, lors de l’installation d’une ligne complète, la valve disparaît et la moto fonctionne aussi bien.
Bon ou mauvais échappement ?
Pour parodier les Inconnus, la question se pose : quelle est la différence entre un bon échappement et un mauvais ? A cela, Mathieu répond que "c’est la manière dont il est conçu techniquement. Son volume est très important, mais le diamètre des perforations du tube, de la sortie ou la longueur du pot peut nous faire passer d’un bon à un mauvais silencieux. Un mauvais volume, une mauvaise épaisseur de tube perforé ou un mauvais diamètre de trou et on a vite fait d’aller vers le bon ou le mauvais. C’est quelque chose de très compliqué. "